« Mes collages | Flottement » |
En relisant, de manière un peu désordonnée, un livre sur la schizophrénie et l’art, voici ma réflexion. Il est clair que certains artistes comme Wölffli par ex. (abondamment cité dans l’ouvrage) sont absolument remarquables et que leur œuvre d’une grande richesse ouvre des horizons nouveaux aux artistes. Il est également vrai qu’il s’agit là d’univers clos, obsessionnels, qui sont de toute évidence reliés à des problématiques intrapsychiques, mais aussi mus par une force créatrice irrésistible. On peut également tirer des parallèles avec des artistes dont les obsessions peuvent se rapprocher de l’art brut. Mais ce qui les distingue à mes yeux, c’est la notion de liberté. Si je compare l’univers de Klee à celui de Wölffli ou certains expressionnistes à celui de Louis Soutter par ex. ou d’Eloïse, ce qui me frappe d’emblée, c’est la liberté de Klee, et notamment le fait qu’il joue avec les formes. Il n’est pas leur esclave ou leur serviteur. Et si je prends maintenant ma modeste expérience personnelle, je me rappelle certains moments de tension extrême dans la création, le sentiment de ne plus pouvoir en « sortir », de m’y perdre. Mais ce sentiment n’était pas dû au sujet du tableau, il naissait de mon impuissance à achever la composition. Je me battais contre ma propre incompétence et je vivais cet échec de manière dramatique. Mais bon, j’étais jeune et je voyais bien que je n’arrivais pas à faire les peintures auxquelles j’aspirais.
Le collage, que je pratique depuis plus de 50 ans, est la parfaite illustration de cette liberté et de la nécessité d’arriver à maîtriser la composition. Même si je constate qu’il existe des thèmes récurrents dans mes milliers de collages, ils ne se ressemblent pas, car je ne suis pas obsédé par tel ou tel motif. Au contraire, je me laisse inspirer par ce que je peux découvrir dans un magazine, par le défi que je dois relever pour trouver une cohérence et un sens dans l’assemblage de morceaux disparates. A chaque collage, j’oscille entre différentes solutions, je procède à des changements plus ou moins radicaux, je frise le chaos. Mais j’en ressors aussi à chaque fois. Pour moi, c’est bien la lutte de la forme contre la non-forme. Vie et mort. Mais je n’en suis pas prisonnier. Si je veux faire un collage avec des fleurs et de petits oiseaux, rien ne m’en empêche. Si je veux faire un collage genre art brut, aucun problème. Ce sont des genres dont je peux me servir. J’en ai la maîtrise. En photo aussi, grâce à la double exposition, je peux faire des collages numériques instantanés en glanant de ci et de là ce qui m’inspire, me heurte ou m’amuse. J’ai donc beaucoup de joie à faire ce que je fais. Le seul regret que j’ai parfois, c’est de ne pas avoir un talent plus grand, d’avoir dû travailler longtemps pour arriver à un résultat relativement modeste comparé aux Grands. Mais dès que je prends des photos ou que je fais un collage, j’oublie tout cela et crée dans la jubilation.
Formulaire en cours de chargement...
Vous devez être connecté pour voir les commentaires. Se connecter maintenant!